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Polanski, l'accusé qui accuse

Dernière mise à jour : 4 mars 2020


Ce mercredi 13 novembre 2019, le nouveau film français de Roman Polanski J’accuse a connu une entrée mouvementée dans les box-offices, un film qui retrace l’histoire du colonel Picquart dans l’affaire Dreyfus, véritable héros oublié qui a contribué à sa réhabilitation.

Mais son auteur, lui, ne serait pas le héros de tout le monde. En effet, le célèbre réalisateur accusé de viol à plusieurs reprises divise l’opinion quant à la diffusion de son film dans les salles françaises. Sa première accusation remonte à 1977 aux Etats-Unis pour avoir eu des relations sexuelles illégales avec une mineure dont il a d’ailleurs été condamné. Plus de quarante ans plus tard, la photographe Valentine Monnier affirme dans un témoignage publié par le Parisien avoir été frappée puis violée à la même époque par Polanski. Des accusations parmi d’autres.


Alors qu’il est déjà secoué par d’autres affaires de ce genre, le milieu du cinéma français est accusé de protéger Roman Polanski, qui, malgré sa condamnation aux Etats-Unis, a reçu de nombreuses récompenses : 8 Césars, une palme d’or et a même été nommé pour présenter les Césars en 2017. Face à la polémique, la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) dont il est membre a voté lundi « la mise en place de nouvelles procédures de suspension pour tout membre mis en examen par la justice, et l'exclusion pour tout membre condamné, notamment pour des infractions de nature sexuelle », a annoncé son président Pierre Jolivet, et réfléchi à une éventuelle suspension de Polanski, selon le rapport des journaux américains The Hollywood Reporter et Deadline. La décision serait aussi une réponse à l’émotion suscitée par l’affaire Adèle Haenel.


Ironie du sort, selon France culture « le débat, comme celui sur l’affaire Dreyfus, (divise du milieu politique) jusque dans les familles ». En effet, plusieurs personnalités ont pris part à celui-ci, avec des avis divisés sur la question : La réalisatrice Nadine Trintignant prend sa défense en affirmant que Roman Polanski serait « victime de son nom, de la jalousie et d’antisémitisme sournois » de la part de ses accusateurs. Et de continuer « J’aurais plutôt tendance à le croire lui, qu’une femme qui a mis 44 ans à réfléchir pour le dénoncer », au micro de BFMTV.


Le ministre français de la culture, Franck Riester, a annoncé le jeudi 14 novembre des mesures pour lutter contre le harcèlement sexuel dans le cinéma français, pour que les prises de parole « ne soient pas vaines ». Sans jamais nommer Polanski, il a estimé que « Le talent n'est pas une circonstance atténuante, le génie [n’est] pas une garantie d’impunité ». Et qu'une œuvre, « si grande soit-elle, n'excuse pas les éventuelles fautes de son auteur »

La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye et la ministre de l’égalité homme/femme Marlene Schiappa, quant à elles affirment qu’elles n’iront pas voir le film dans un tel contexte. L’ancienne ministre Laurence Rossignol appelle même au boycott.

Pour Christian Estrosi, "ce n’est pas parce qu’il est accusé qu’il est coupable », et « qu’il y a une présomption d'innocence qu'il faut respecter dans notre pays ». D’autres encore estiment que l’intérêt du film est plus important comme Edouard Philipe, Frédérique Mitterrand ou Anne Sinclair, qui insiste sur le fait que seule quelques personnes connaissent la vérité, mais « qu’on nous transforme tous en tribunal populaire ».


Selon Libération, le film attire en France malgré une promotion perturbée à cause des critiques et des nombreuses oppositions à sa diffusion dans les salles, notamment avec des séances annulées à Paris et à Rennes suite un blocage par des groupes féministes. Selon le Parisien et le Point, le 12 novembre au soir, des militantes féministes ont bloqué une avant-première dans un cinéma parisien en scandant "Polanski violeur, cinémas coupables, public complice".


Toujours selon Libération, la collectivité Est Ensemble, qui regroupe neuf communes de Seine-Saint-Denis, a annoncé vouloir demander la déprogrammation du film de ses six cinémas publics. Le président socialiste de la collectivité, Gérard Cosme, est finalement revenu sur cette décision mercredi matin, après s’être entretenu avec les directeurs des cinémas. Annoncée le mardi 19, la déprogrammation a finalement été annulée après vingt-quatre heures d’hésitation et un début de polémique sur un cas de censure politique.

Les journalistes de l’émission Quotidien était sur place pour interviewer la maire de Bondy, Sylvine Thomassin, qui s’est frontalement opposée à la programmation lors de la réunion et a répondu au micro « la justice doit être la même pour les puissants comme pour les gueux (…) c’est du fait de sa notoriété, de sa puissance qu’il a pu s’extrader (…) programmer ce film, c’est programmer le film d’un violeur. » Alors que pour le comédien Arthur Nauzyciel, « Déprogrammer le film, ce serait évacuer le débat ».


Enfin, Annie Thomas, directrice de cinéma, donne en guise de réponse « quand on programme un film de Polanski est ce qu’on cautionne le violeur ou est ce qu’on programme un film qui nous semble essentiel ? » en ajoutant que si l’on suivait cette logique de censure, « l’histoire de l’art serait amputée de la moitié de ses œuvres ».


Toute cette polémique n'a cependant pas empêché le film d'arriver en tête du box-office hexagonal sur cinq jours, à l'issue du week-end. Il a réalisé le septième meilleur démarrage de l'année pour un film français, avec 500 000 entrées en une semaine dans 545 salles et a été récompensé du Grand Prix du jury à la Mostra.

Cet évènement donne l’occasion de se poser une question qui a le mérite d’être posée : Faut-il séparer l’homme de l’artiste, ou peut-on dissocier l’homme de son œuvre ?


Crédit photo : © Maxppp / Julien De Rosa, apparait dans un article de France inter.

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